Il faut qu'on parle de Kevin
"Il faut qu'on parle de Kevin" de Lionel Shriver
Poche - 608 pages - 8,60 euros
Note : 05/10
Quatrième de couverture :
La veille de ses seize ans, Kevin se livre à un massacre sanglant dans son lycée. Détruite par ce drame, Eva, sa mère, entame avec son époux une correspondance poignante pour comprendre cet enfant qui, depuis sa naissance, s'acharne à faire le mal. Des humiliations imposées à sa sœur aux cruautés infligées à ses camarades, elle retrace l'itinéraire meurtrier de son fils.
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Juste avant ses 16 ans, Kevin Khatchadouiran (qui plus tard sera plus connu comme KK) a abattu froidement dans le gymnase de son lycée, plusieurs de ses camarades ainsi qu'un employé de la cafétéria (dommage collatéral selon lui) et son professeur de Lettres.
Elevé dan un milieu très aisé, Kevin ne manquait de rien.
Si ce n'est d'une âme.
Le procès a eu lieu, Kevie est enfermé.
Alors Eva cherche à comprendre. Bien sûr il y a la fameuse question, celle que tout le monde se pose "Pourquoi ?";
Mais Eva se demande également "Comment ?". Comment son fil en est-il arrivé là ? Que s'est-il passé ?
Pour tenter d'y voir plus clair, elle décide d'écrire de longues lettres à Franklin, le papa de Kevin. Elle y explique tout. Sans fard.
MON AVIS :
Sacrée déception que ce livre.
Il m'a fallu un temps fou pour réussir à entrer dan l'histoire et c'est seulement après environ 200 pages que j'ai senti un intérêt.
Intérêt qui ne dépassera jamais le "vague intérêt" en fait.
Certains passages suscitent un peu plus l'attention et sont plus riches, plus expressifs, mais sur la longueur je me suis terriblement ennuyée.
Il y a en fait beaucoup trop de digressions dans les lettres d'Eva.
J'ai bien compris le parti pris de remonter à la source, soit à sa rencontre avec son époux, voir même un peu de sa vie d'avant lui. Mais qu'est ce que c'est long.
Et franchement ses histoires sur ces voyages ou bien encore son pays d'origine ou le 4X4 ne servent à rien. Si ce n'est à faire gonfler le nombre de pages. Et à me gonfler moi aussi.
La trame de l'histoire est pourtant accrocheuse : un gamin qui devient serial kellier et une mère qui cherche à comprendre. Mais le développement n'est pas à la hauteur.
On s'y enlise. C'est trop lourd.
De plus, les personnages sont tous particulièrement détestables.
La petite Celia est pratiquement invisible et d'une telle docilité et/ou passivité qu'elle arrive, la pauvre gamine, à être ennuyeuse.
Le père est d'un aveuglement consternant qui donne envie de hurler et de le secouer. Comment cet homme peut-il à ce point se voiler la face ? Je n'ai jamais , je dis bien jamais, senti de soutien de sa part par rapport à sa femme.
A ce demander comment leur couple peut tenir.
Le soutien logistique il l'assure, mais il s'enferme dans une logique d'éducation parfaite se basant sur des livres et tombe dès le départ (dès qu'Eva est enceinte en fait) dans le pathétique. Le risible. Sauf qu'en fait ce n'est pas marrant du tout.
Eva met la musique trop fort et danse : mon Dieu quelle horreur ce n'est pas bon pour le bébé de le secouer comme ça.
On élève un enfant en banlieue : alors hop on quitte New York et on achète une maison.
Un enfant a besoin de sa mère auprès de lui H24 durant la petite enfance : Eva doit quitter son travail.
Un enfant a besoin d'attention et de stimulation : sorties aux musées, aux parcs, pique nique... toujours proposer des activités ensemble et ne plus jamais être deux.
Et j'en passe...
Eva quant à elle, je ne l'ai pas aimé dès le début.
D'abord parce qu'au travers de ses toutes premières lettres, je l'ai trouvé chiante. Parce que sous ses grands airs elle est vide. Elle n'a aucune profondeur.
Et je ne parle pas d'après JEUDI. Elle était déjà chiante avant JEUDI;
Cette femme passe son temps à se plaindre de tout et tout le temps. Rien ne trouve grâce à ses yeux, elle se pose constamment en modèle et donne le sentiment de se sentir supérieure aux autres, au peuple américain qu'elle ne cesse de fustiger. Sur cette facette de la personnalité de sa mère, Kevin est d'une incroyable lucidité.
Seuls les voyages qu'elle effectue pour son guide touristique semblent être à sa hauteur. Mais malgré ça, lorsqu'elle en parle, elle est chiante. Encore.
A travers ses lettres et avec un regard froid, presque clinique, elle tente d'expliquer le parcours de Kevin, mais aussi le sien et celui de sa famille. Elle analyse le tout sans concession.
Le fait qu'elle se regarde en toute franchise pourrait la rendre sympathique. Mais non, même pas.
Je n'ai vraiment eu aucune empathie pour elle.
Pour moi, elle est le pire personnage du roman.
Certes Kevin a commis un massacre et il n'est excusable en rien. Mais pour le coup, c'est le seul de l'histoire à toujours avoir été cohérent. Psychopathe, mais cohérent.
Eva est une femme intelligente, instruite et qui a très bien réussi sa vie. Elle est à la tête de sa propre entreprise et est très investie dans son métier. Elle voyage à travers le monde pour y préparer ses guides touristiques et elle est financièrement très à l'aise. De plus, elle vit une relation de couple qui l'a comble.
Alors quoi ? Qu'est ce qu'il lui prend ? Franklin avait évoqué la possibilité d'avoir un enfant et puis il n'en avait plus parlé. Lui laissant sans doute le temps. Et puis un soir, alors qu'ils rentrent en marchant tranquillement, d'un dîner chez des amis, Eva lui dit qu'elle veut un enfant. Elle veut tourner une page de sa vie. Vivre autre chose. Déjà là, j'ai trouvé que ça commençait mal. La façon dont elle présente ça est comme une envie de faire quelque chose qui sorte de l'ordinaire, de son quotidien. Comme elle irait adopter un chien. Je n'ai senti aucun réel désir d'enfant. Mais un désir de s'occuper autrement.
Et c'est à coups d'arguments que j'ai trouvé tordus qu'elle tente de convaincre son mari. Honnêtement elle fait un caprice. Elle lui prend la tête pour avoir son jouet = un bébé.
Et comme Franklin n'est pas plus enthousiaste que ça, elle "oublie" de mettre un contraceptif. Ben voyons, comme c'est facile. Elle veut un bébé ? Monsieur est moyennement chaud ? On se débrouille quand même.
Et là, dès la confirmation de sa grossesse elle ne sait plus. Elle n'est plus très sûre. Est-ce qu'elle veut vraiment un bébé ? Non mais je rêve ?!
Eva c'est ça tout le temps. Une femme capricieuse, prétentieuse et chiante.
Mais le pire c'est sans doute lorsque 7 ans après, en plein milieu d'une dispute, elle lance à son mari qu'elle veut un autre enfant. Ils sont en train de vivre un enfer avec le premier, ils se déchirent constamment et entre 2 cris au cours d'une dispute elle veut un autre enfant. Cette fois ci Franklin s'y opposera fermement. Alors que fait-elle ? Pendant près d'un an elle ne prend plus aucune contraception et réussie à tomber enceinte. Mais quelle genre de femme est-elle ? Quelle genre de mère ? Quelle genre d'épouse ?
Comme je le disais plus haut, dès le début de sa première grossesse elle semble regretter son choix. Je ne l'ai jamais senti heureuse d'être enceinte. Il est vrai que certaines grossesses peuvent être éprouvantes, je ne le nie pas, mais malgré tout, les futures mamans sont heureuses à l'idée de ce petit bébé qui arrive. Elle non.
Ensuite que la naissance soit difficile je peux le comprendre. Et je suis à 1000% d'accord avec le fait que donner naissance à un enfant ne donne pas naissance au sentiment d'amour fou. Eva est surprise de ne rien ressentir sur le coup, elle attend son "feu d'artifice" et est terriblement déçue de ne pas être plus heureuse que ça
Et c'est bien le seul moment où j'ai eu de la sympathie pour elle. Parce que je pense qu'effectivement la pression sur une jeune maman est énorme. De toute part. On s'attend à une explosion d'amour. On DOIT la ressentir, sinon c'est que nous sommes un monstre. La logique veut que l'on aime tout de suite cette petite chose et qu'en échange le bébé nous renvoi un amour inconditionnel. Pardon mais après des heures de douleurs et de fatigue, on est pas forcément au top je suppose et il est normal d'avoir un moment d'adaptation. Je ne suis pas certaine de l'existence de l'amour maternelle instinctif. Pas toujours. Pas forcément. On s'apprend. On se découvre. On s'aime certes, mais pas forcément avec le feu d'artifice qu'elle attend.
Il n'était pas encore né que Kevin avait déjà une énorme pression sur les épaules. Sa mère en attendait tellement. Tout de suite.
Et là rien. Cerise sur le gâteau : le bébé refuse le sein.
Dès cet instant (mais je dirais même dès la conception) la vie va devenir un enfer. Un véritable enfer.
Kevin passe son temps à refuser de manger. A hurler toute la journée. Sauf lorsque son père rentre. Du coup, il ne croit pas Eva, sous entend qu'elle en rajoute. Qu'elle ment. Kevin ne peut pas être comme elle le décrit, après tout ce n'est qu'un bébé.
Les années passent et Kevin est de pire en pire. Devant son père il joue un rôle, il fait des sourires, semble s'intéresser à certaines choses, mais dès que Franklin a le dos tourné, il reprend son vrai visage : sourire dédaigneux ou ennui profond.
Avec sa mère il ne se cache pas. Il est ouvertement désagréable. Lui répond, l'envoi bouler. Lui parle mal. Certaines de ses paroles sont parfois humiliantes. Et j'ai trouvé Eva très laxiste à ce sujet.
Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est la bêtise des parents. On aime son enfant oui. On refuse de voir certaines choses. On le défend. On veut n'y trouver que le meilleur. On pardonne tout et n'importe quoi. Mais bon sang, il y a des limites.
Ce gamin est un vrai monstre. Dès le début. Dès son plus jeune âge. A 6 ans il porte encore des couches pour faire chier (c'est le cas de le dire) ses parents et les maîtresse d'école. Il n'est pas attardé, loin de là. Et même bien loin de l'être. Kevin est très malin et très très intelligent. Outre fait que ce soit un monstre, c'est un manipulateur incroyable. Il n'y a qu'à voir comme il mène son père par le bout du nez.
Les incidents et les accidents ne cessent de se répéter, que ce soit à la maison lorsqu'il détruit méticuleusement les choses que sa mère aime, ou bien à l'école lorsqu'il arrive des choses "étranges" alors que Kevin est toujours dans les parages. Ou bien ses branlettes porte ouverte afin que sa mère le voit et soit mal à la l'aise.
Franklin fait valoir le doute, son petit ne peut pas être responsables de ces choses atroces. Et c'est en ça que Kevin est intelligent également. Il se débrouille toujours pour ne pas se faire pincer, mais pour que sa mère comprenne qu'il est tout de même responsable.
Le pire sera sans aucun doute l'accident de sa soeur. Et là si j'avais eu un peu d'affection pour Franklin, elle aurait disparu de suite. Comment peut-il être aveugle à ce point ?! Après tout ce qu'il s'est passe ?! C'est incompréhensible. Dans quelle mesure sait-il et justement refuse t-il de se l'avouer ? Parce que ce serait reconnaître qu'il est également en échec en tant que père.
Tout au long de ses années Eva a tenté quelques fois de se rapprocher de son fils. Et je dis bien quelques fois (genre 2), mais les tentatives ont tournées au vinaigre et elle a laissé tomber.
Elle, elle sait. Elle sait que son fils est un monstre. Elle le dit. Mais elle ne fait rien pour autant. Elle choisi d'entrer dans routine "je garde la face, je suis une maman". C'est horrible. Elle laisse faire.
Si dès le début au travers du regard de sa mère on comprend que Kevin est le mal (oui je sais c'est très théâtral comme tournure), on comprend aussi que ses parents le savent au fond d'eux. C'est forcé. Lui en prenant systématiquement, en dépit de tout et surtout du bon sens, la défense de son fils. Et elle en ne faisant rien.
Dès le départ ce gosse aurait dû être suivi ou interné. S'ils avaient été des parents et non des spectateurs ou des acteurs (mauvais) en constante représentation, ils auraient bougés.
Les choses en sont arrivées là parce qu'ils ont laissés faire. Pour moi ce sont eux les responsables.
Ils n'ont pas armés la main de Kevin (quoique si en fait), ils n'ont pas mis au point le plan diabolique qui lui a permis de tuer toutes ces personnes. Mais s'ils avaient fait quelque chose, Kevin n'en serait pas arrivé là. Non pas qu'il aurait été plus gentil, parce que psychopathe un jour, psychopathe toujours. Mais au moins aurait-il été mis hors d'état de nuire.
Alors comment éprouver de la sympathie pour Eva ? Moi je ne peux pas. Pas même pour Franklin. Je les ai trouvé en dessous de tout comme parents. Mais même comme mari et femme en fait. Entre lui qui ne porte aucun soutien à son épouse et elle qui piège son mari, ils ne donnent pas envie d'être pote avec eux.
Kevin comme je l'ai déjà dis, est le seul qui soit cohérent. C'est un monstre dès le départ. Manipulateur, méchant et sadique. Son spectateur idéal ? Sa mère.
Quant à la fin du livre, je dirais qu'il y en a deux en fait.
Une première qui m'a semblé très rapidement évidente. Et puis pour confirmation il y a eu une petite phrase de Kevin qui a fait que j'en ai eu la certitude.
Et la seconde fin que je trouve tellement minable. Terriblement mauvaise.
Il est impossible que Kevin puisse se retourner comme ça. Non je ne suis pas une tueuse psychopathe donc je ne parle pas en connaissance de cause, mais j'utilise mon cerveau. Le reste du roman fait preuve de réalisme, à tel point que l'on peut effectivement oublier qu'il s'agit d'une fiction et non d'une histoire vraie. Alors pourquoi cette fin qui elle, irréaliste ? C'est vraiment dommage.
Aux questions du début, à savoir "Pourquoi ?" et "Comment ?" se pose aussi celle de la responsabilité.
Est-ce entièrement la faute de Kevin ? J'ai très envie de dire non.
Il est responsable oui, c'est certain. Il a méticuleusement monté son plan et tué toutes ces personnes et n'a jamais montré le moindre remord. Il est même plutôt fière de lui.
Mais ses parents ? Dévastés, détruits. Finie la vie normale pour eux. Ils n'avaient pas demandés ça. Kevin lui, a délibérément choisi de tuer et d'aller en prison. Ses parents n'ont rien demandés de tel. Ils ne voulaient pas ces morts. Cette douleur. Ces familles brisées. Ils ne voulaient pas que leur fils soit responsables de telles monstruosités.
Mais alors pourquoi n'ont-il rien fait ?
Ils ont eu seize longues années d'enfer pour se bouger le cul !
RESPONSABLES. Pas au même niveau, mais responsable quand même !
Je ne reviens pas sur mon avis et mon impression : je suis déçue par ce livre, je me suis beaucoup ennuyée. Mais il m'aura fait écrire un long billet hein ?